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Dois-je définitivement renoncer aux carottes ?
Le modèle du jardin en permaculture cherche à tous prix à s’éloigner de celui de la bonne vieille planche de terre nue, gadouilleuse et stérile du potager traditionnel. Mais comment fait-on des semis sous dix ou vingt centimètres de paillage ?
Pour les grosses graines, pas de problème : un trou dans le paillage, un petit pois, un haricot, un grain de maïs, une graine de courge, et ça finira par passer. Mais pour les petites, ça n’est pas gagné.
Tout ce qui peut se repiquer gagnera alors à être élevé en godets, puis planté au travers du paillage (laitues, tomates, etc.)
Ratage de semis en pleine terre
Restent les petites graines pour les plantes qui ne se repiquent pas. Par exemple les radis ou les carottes.
J’aurais du mal à vous décrire la méthode idéale pour faire des semis en pleine terre, dans la mesure où j’ai quasiment tout raté.
Le dernier épisode en date, ce sont les carottes : j’ai repris une butte que j’avais laissée sous son couvert de mauvaises herbes pendant les six derniers mois, j’ai bien affiné la terre en cassant les mottes et en extirpant les racines diverses, j’ai semé trois rangs de carottes et panais en jolies lignes bien droites, et j’ai tout laissé à nu à la merci de la pluie et du soleil : triple transgression des préceptes de la permaculture. Deux semaines plus tard, je vois plein de petites pousses, toutes de la même plante, qui sortent de partout. Je me félicite de la réussite de mes carottes. Mais soudain je me rends compte que les plantules occupent la totalité de la planche de culture, alors que j’avais soigneusement planté les carottes en rangs.
Quelques jours et quelques recherches plus tard, j’identifie la plante qui a pris la place de mes carottes : c’est du chénopode blanc, autrement appelé poule grasse, qu’on dirait semé exprès, tant les pousses sont uniformément réparties sur la planche. Je décide de le laisser en place : ça fera quelques salades et une base d’épinards (ça tombe bien, j’ai aussi pas mal raté les semis d’épinards).
Théoriquement, ça devrait marcher
Mais je ne renonce pas à un jour réussir des semis en pleine terre en version vraiment permaculturelle. Il me faudrait juste mettre au point une technique qui marche à coup sûr… Prenons mes exigences dans l’ordre :
- garder la terre couverte pour calmer l’ardeur des plantes pionnières, pour éviter l’érosion, le dessèchement et la battance
- ne pas travailler la terre pour qu’elle garde toute sa structure
- donner de la nourriture aux bêtes et aux champignons du sol pour qu’ils structurent le sol
- permettre aux petites graines de germer : chaleur, humidité, un peu de lumière dès que les cotylédons sortent
- limiter les besoins d’arrosage
- pas de plastique
- pas de travail une fois le système installé
Je pense que si on a un paillage fin et bien couvrant, sec au-dessus et quasiment composté en-dessous, les graines se plairont bien. Voilà comment je compte m’y prendre.
Il faut probablement une planche de culture spécialement faite pour ces semis. Je pense que le meilleur moment pour préparer est la fin de l’automne, quand les adventices annuelles sont mortes et que la végétation est ralentie. Sur une butte, on amasse vingt centimètres de paillage ayant une teneur assez forte en carbone pour qu’il ne soit pas tout composté au printemps. Probablement que les tontes de gazon ne sont pas adaptées (en tout cas pas telles quelles). Il faut une structure du paillage assez fine quand même, afin que des petites graines y trouvent leur compte. J’aimerais essayer de la paille hachée. On l’éparpille de façon assez lâche pour qu’elle ne risque pas de faire un bouchon. A la surface, on dispose du grillage ou des branchages pour protéger le paillage contre le vent et les oiseaux.
Et on attend.
Au printemps, le but est que la couche de paillage soit à différents stades de compostage suivant la profondeur. On dispose des billes de graines à un ou deux centimètres sous la paille sèche de la surface, là où la paille est plus noire et plus humide. Quand elles germeront, la racine n’aura pas de mal à se frayer un chemin jusqu’à la couche compostée, puis jusqu’à la terre : en fait, les plantes trouveront naturellement une structure de sol légère comme du terreau de semis au début, et de plus en plus consistante à mesure qu’elle grandissent.
Comme ces graines sont les seules qui seront à la bonne profondeur, les plantes spontanées ne pourront pas s’inviter, sauf le liseron — éternel incrusteur.
Et si l’on est un vrai permaculteur fainéant, on ne recommence pas l’année suivante. On saupoudre de paille hachée tout au long de l’année pour maintenir le niveau, et on laisse les carottes ou les panais se ressemer tranquillement.
L’automne est encore loin : il me reste du temps pour peaufiner le concept — si vous avez des remarques, des suggestions, et surtout de l’expérience, je suis preneur.